Avec cette grande dame un peu impressionnante j’ouvre aujourd’hui la rubrique des portraits de femmes présentes sur mon arbre généalogique. On l’appelait « la Générale Malleterre ». Ma mère et mes tantes  l’appelaient « Tante chérie ».

Marie Charlotte Henriette Malleterre est née à Paris, 139 rue de Sèvres dans le 6e arrondissement, le 4 juin 1867. Elle est la fille de Gustave Niox qui à cette époque est capitaine à l’Etat Major, déjà chevalier de la Légion dHonneur, et de Marie Henriette Mauricia Niox. Ses parents sont cousins et donc issus tous deux de la famille Niox de Saintes en Charente-Maritime.

En 1856 son père Gustave Niox, âgé de 15 ans, élève du Prytanée militaire de la Flèche, venait de perdre son père Eutrope Léon Niox prématurément pendant le siège de Sébastopol. Lorsque Napoléon III fit une visite au Prytanée on lui présenta Gustave Niox qui faisait partie des bons élèves. L’empereur, ému, lui demanda ce qu’il pourrait lui accorder en mémoire de son père. Gustave Niox lui demanda la faveur de se présenter à Saint Cyr avec dispense d’âge. Il n’avait pas seize ans quand il fut reçu major d’entrée de la promotion Djurdjura (1856-1858). Plus tard il fera partie de l’expédition française au Mexique et il restera un fidèle de l’impératrice Charlotte de Belgique, femme de Maximilien d’Autriche, assassiné au Mexique. C’est ainsi qu’il donnera le nom de Charlotte à sa fille, en souvenir de cette impératrice si durement frappée par le destin et qu’il avait tant admirée.

Sa mère Marie Henriette Niox était née à l’Ile de la Réunion où son père Henri Niox, médecin militaire avait été envoyé.

Il est à noter aussi que son grand oncle Eutrope Niox, chevalier de la Légion d’Honneur, dont on trouve le dossier sur la base leonore , entré comme simple soldat à 21 ans en 1807 fit huit campagnes et fut blessé de nombreuses fois. En 1814 il fut réformé pour blessures (une balle dans la jambe), il était lieutenant au 12e Léger.

Quand on se penche sur l’arbre généalogique de Charlotte Niox on comprend qu’elle puisse hériter du tempérament de ses ascendants, c’était une femme forte et intelligente.

Les parents de Charlotte s’étaient mariés à Bordeaux en 1865, Gustave Niox habitait avec sa mère à Paris 12 rue Oudinot (7e arrondissement) Marie Henriette Niox habitait avec ses parents 8 rue de Lurbe à Bordeaux.

Charlotte va passer sa jeunesse à Paris où son père, après avoir participé à la guerre de 1870 où il sera fait prisonnier, est professeur de géographie militaire à l’Ecole de guerre.

En 1875 elle a huit ans lorsque son frère Charles Niox nait en Gironde (à Issac commune de Saint Médard en Jallais). Il sera un aviateur très courageux pendant la  guerre de 1914. Il racontera son épopée dans un livre « Mes six évasions ».

Elle a eu aussi deux soeurs dont je n’ai pas encore trouvé la trace de leur naissance et dont je n’avais pas entendu parler dans la famille. L’une, Marguerite est décédée le 10 avril 1933 à Boulogne Billancourt, elle est inhumé au cimetière des Bruyères à Sèvres. Elle a été surveillante en 1914 à la Mutualité maternelle de Paris, organisme qui aidait les jeunes ouvrières lors de leur accouchement.

L’autre soeur, Berthe, est décédée le 11 mars 1936 à Boulogne Billancourt.

Le 9 février 1892 Charlotte Niox se marie à Paris avec le capitaine Gabriel Malleterre, ancien élève de son père à l’Ecole de Guerre et cousin germain du père de ma grand mère maternelle.

Elle habite à cette époque chez ses parents 4 avenue de Villars dans le 7e arrondissement. Gabriel Malleterre habite 11 rue de Saxe dans le 7e arrondissement.

Elle rentre donc dans la famille de ma grand mère lors des séjours qu’elle va passer à Mauriac dans le Tarn chez sa belle mère et lorsque son mari est nommé à Toulouse en 1907. Son mari est assez proche de mon grand père Antonin Escribe, elle aussi apprécie mon grand père et ses enfants, ma mère et ses soeurs. Avec ma grand mère les rapports étaient plus difficiles mais Charlotte Niox ignorait tout à fait le mauvais caractère de ma grand mère et elles se sont rapprochées lorsqu’elles ont perdu l’une et l’autre la même année leurs maris.

Charlotte Malleterre aura trois enfants : Jacques né en 1893 à Paris,

Henriette en 1895 à Dreux

et Marie Antoinette, dite Netty en 1898 à Versailles.

La famille Malleterre est domiciliée à Orléans 61, rue de Coulmiers quand survient la mort de la mère de Gabriel,  Gabrielle de Brugière en 1910. Celle-ci étant veuve je suppose que les Malleterre l’avaient accueillie chez eux. A cette époque Gabriel Malleterre est Lieutenant Colonel à l’Etat Major de la 5e Armée.

Lorsque la guerre de 1914 arrive Charlotte Malleterre a 47 ans; son mari sera très grièvement blessé dès le début de la guerre puisqu’un éclat d’obus lui traverse la jambe et le bras droits.

Je pense que c’est à cette époque, pour seconder son mari dans sa tâche, qu’elle va devenir la femme active que ma famille a connu. Elle sera présente lors de la fondation de l’Association des Mutilés dès 1915. C’est grâce à cette association que l’Hôpital des réformés voit le jour à Neuilly. Son mari succédant à son père au Musée de l’Armée elle l’aidera avec son moral d’acier à accomplir toutes les tâches qui incombent à cette fonction et plus tard en 1919 lorsque son mari deviendra Gouverneur des Invalides.

Après avoir perdu son père en 1921 son mari meurt des suites de ses blessures. A sa mort elle continuera sans défaillance les oeuvres commencées.

En 1925 elle fonde l’oeuvre du Bleuet de France pour aider les mutilés, l’oeuvre existe encore aujourd’hui.

Le Bleuet était fabriqué par les mutilés et vendu lors de manifestations publiques et lors des défilés militaires. J’en ai gardé un d’époque, il est en tissu alors qu’aujourd’hui il est plus stylisé et en papier.

Ma mère avait conservé quelques lettres qui attestent de son activité débordante dans les années 30.

Le 8 novembre, je pense avant 1930 car aucune des filles Escribe n’étaient encore mariées puisqu’elle écrit :

Mes petites amies,

Je suis bien en retard avec vous toutes mais j’ai tant à faire, à écrire, à voir que je n’ai pas beaucoup de temps à moi. Je veux arriver au maximum pour mes veuves, j’ai déjà obtenu pas mal mais je suis gourmande et je veux le tout. Grand Dieu qu’est-ce que le devoir vous oblige à faire lorsqu’on s’est chargé d’une tâche; qui m’aurait dit que j’irai un jour demander l’appui de Malvy, il a cependant fallu le faire puisqu’il est président de la Commission des Finances. Je m’en suis fort bien trouvé et eut de lui de formelles promesses. Le résultat excuse les moyens. N… va me jeter l’anathème, elle sera d’ailleurs la seule car j’ai l’approbation de tous, on a trouvé ma visite méritoire : »Qui veut la fin prend les moyens…

En novembre 1934, elle est reçue Chevalier de la Légion d’Honneur, c’est son fils Jacques qui lui remet sa décoration. On trouve sur la base leonore ses « états de services ».

Une lettre de 1937 relate encore ses nombreuses activités mais aussi le décès de son fils Jacques. Qu’était-il arrivé à ce fils qui comme son oncle avait été un aviateur émérite. Dans la famille on disait que c’était une « forte tête », son père avait refusé son consentement lorsqu’il avait été question d’un mariage avec une danseuse. Là, on trouve toute la tendresse d’une mère.

 

Voici quelques extraits de sa lettre :

Association des Veuves de Militaires de Carrière Morts pour la France
Armée de Terre de Mer et d’Air
Fondée par la Générale Malleterre
Siège social : 85 bis, rue du Faubourg Saint Honoré, Paris

Cannes le 20 mai 1937

Je vais passer par Toulouse dans ma tournée d’inspection à nos groupes. J’irai ensuite à Bordeaux….

Je passerai d’ailleurs fort peu de temps. Je compte arriver à Toulouse le 23, aller ensuite à Pau, venir sur Toulouse et passer 48 h aux Rious pour dire bonjour à tous en allant à Agen et Montauban puis à Bordeaux en passant par Bergerac. Je ne pense pas pouvoir être le 27 à Bordeaux pour la Première Communion (de Nicole Durand-Lasserve) ce que je regretterai mais mon temps est très serré car il faut que je sois à Paris 8 juin au plus tard…

… Je suis ici pour visiter mes sections de toute la Côte d’Azur mais aussi pour l’inhumation définitive de mon pauvre Jacques qui a eu lieu ce matin dans le petit cimetière de Mougins où il dormira désormais sous le soleil et les fleurs qu’il aimait. Je suis brisée de douleur, il n’y a que mon travail intense pour me permettre de vivre.

C’est sûrement lors de l’un de ces passages à Toulouse que maman a pris cette photo, rue d’Aubuisson.

Dans ces années-là elle sera de toutes nos fêtes familiales et reviendra souvent aux Rious.

Elle assiste au mariage de Yves Durand-Lasserve et Charlotte Escribe le 3 juin 1930, Charlotte étant la filleule de Gabriel Malleterre. Il avait demandé que sa filleule porte le nom de sa femme.

On la voit ici tout à fait à droite.

Là, en 1934, à l’occasion du mariage de Guy Durand-Lasserve et Paulette Escribe elle est debout, au centre de la photo entre ma mère et Marie Jeanne Esribe.

Une autre photo familiale probablement en 1935 , elle est la quatrième à partir de la gauche, entre Guy Durand-Lasserve et ma grand mère.

La guerre de 1939 allait la retenir à Paris près de ces filles et de ses petits enfants. Les voyages étant plus difficiles avec l’occupation elle ne reviendra plus aux Rious. J’ai quelques lettres de cette époque où elle se plaint de vieillir et annonce le décès de son frère Charles Niox, décédé à Boulogne-Billancourt le 3 mars 1943. Elle indique qu’il n’avait plus de famille à part elle. J’en conclus que leur mère aussi était décédée (entre 1937 et 1943), ainsi que sa belle soeur Marie Paule Philippe.

Elle s’éteindra à Paris en juin 1945, sûre d’avoir accompli tous ses devoirs.