Un des souvenirs d’enfance de mon mari était l’épaisseur du missel de sa grand-mère Suzanne de Galembert rempli d’images mortuaires de ses cousins « morts pour la France » pendant la guerre de 14-18.

Dans les familles de la noblesse française subsistait profondément le désir de servir la France, l’usage des armes correspondait à leur façon de vivre. Cette classe sociale s’était appauvrie mais en devenant officier ils gardaient un pouvoir qui incombait à leur caste. C’est donc tout à fait naturellement que les hommes de cette génération sont partis « la fleur au fusil » dans cette guerre dont ils n’avaient peut-être pas prévu la violence.

Voici donc les héritiers de ces familles souvent nombreuses, les jeunes et les moins jeunes, bien souvent Saint- Cyriens jetés dans cette guerre suicidaire.

Depuis 1870 ils avaient été élevés dans l’esprit de revanche, ils étaient partis avec enthousiasme, générosité, piété et esprit de sacrifice.

Les images mortuaires montrent bien cet esprit patriotique et religieux.

Cette guerre marquera très profondément plusieurs générations.

En 1914 Suzanne de Galembert a 14 ans, le premier de sa famille qui tombera au champ d’honneur sera le cousin germain de sa mère Pierre Blandin de Chalain, Saint Cyrien de la promotion du Grand Triomphe 1888-1890, capitaine au 5e régiment de Chasseurs à Cheval. Mort pour la France au combat de Fosse (Pas-de-Calais).

Puis en 1915 ce fut son oncle, frère de sa mère, Louis Mallet de Chauny, dont je vous avais parlé dans l’article sur le Canada. Il avait rejoint la France, sa mère patrie, comme simple soldat et alors qu’il avait déjà 38 ans. Il succombait à ses blessures dans un hôpital parisien le 1er juillet 1915.

(photo du site Mémoire des Hommes)

Le 16 octobre de la même année Suzanne perdait son parrain et cousin germain François de Galembert dont elle était la marraine de guerre. Elle correspondait avec lui et ce fut pour elle et à son âge un grand chagrin. Il avait 31 ans, elle en avait 15.

En 1916 ce fut un jeune cousin de 19 ans, Alban Falcon de Longevialle, engagé volontaire.

Le 21 Août 1918 mourait en Bulgarie Stanislas de Bodin de Galembert à l’âge de 23 ans. C’était le cousin germain de Suzanne de Galembert, le fils du Général Joseph de Galembert. Sa mort fut un choc terrible pour sa famille. Après avoir servi en France au 313e régiment d’infanterie il fut envoyé en Orient en 1917. Son image mortuaire va rappeler ses lettres écrites à ses parents. Il s’était engagé volontaire à 19 ans comme soldat de 2e classe, avait été cité pour son courage et sa bravoure. Depuis un an sur le front oriental et en plein mois d’Août il aurait été victime d’une insolation et sans le vouloir atteint les lignes ennemies où il se serait rendu. Condamné à mort par les autorités françaises pour trahison devant l’ennemi, sa famille ne sachant pas où il était, ce fut pour tous un profond traumatisme. On le retrouva quelques jours avant sa mort dans un hôpital bulgare épuisé et à l’agonie.

En Orient de nombreux soldats peu habitués au climat, atteints par le paludisme et la gale, fatigués par les marches dans les montagnes, mal soignés, mouraient d’épuisement.

Le 8 octobre 1918, à la veille de l’armistice un autre cousin de Suzanne, Bernard de la Fournière est tué en Champagne, il a 21 ans.

En effet la liste est interminable, ce furent ensuite dans la famille de la Messelière, famille de la grand mère de Suzanne de Galembert, trois frères qui vont mourir pour la France.

François Xavier Frotier de la Messelière tué le 22 août 1914 à l’âge de 21 ans, Saint Cyrien.

Bernard Frotier de la Messelière tué deux mois plus tard en octobre.

Joseph Frotier de la Messelière, Saint Cyrien aussi mort en Grèce en 1916 à l’âge de 28 ans.

Puis la guerre finie encore des morts, suite aux blessures. Antoine de Galembert, cousin germain de Suzanne de Galembert, seul fils du Colonel Eugène de Galembert, décède le 9 décembre 1918 des suites de ses blessures. Il s’était engagé volontaire en 1915 à 18 ans.

En ce 11 novembre 2018, souvenons-nous d’eux.